Loi en faveur des salariés expérimentés et du dialogue social

La loi 2025-989 du 24-10-2025 de transposition des accords nationaux interprofessionnels (ANI) sur l’emploi des salariés expérimentés, l’évolution du dialogue social et les transitions et reconversions professionnelles, dite « loi Seniors », a été publiée officiellement le 25-10-2025. Voici une présentation des principales mesures intéressant les employeurs qui sont entrées en vigueur depuis le 26-10-2025. Les dispositions de cette loi concernant les transitions et reconversions professionnelles, qui s’appliqueront à partir du 1-1-2026, ne sont pas abordées dans ce dossier mais seront traitées prochainement.

 

L’entretien professionnel est devenu l’entretien de parcours professionnel

Rappel. Jusqu’à présent, lors de son embauche, le salarié devait être informé qu'il bénéficiait tous les 2 ans d'un entretien professionnel avec son employeur consacré à ses perspectives d'évolution professionnelle, notamment en termes de qualifications et d'emploi. Cet entretien devait comporter des informations relatives à la validation des acquis de l'expérience (VAE) à l'activation par le salarié de son compte personnel de formation (CPF), aux abondements de l'employeur sur le CPF et au conseil en évolution professionnelle (CEP). Par ailleurs, tous les 6 ans, l'entretien professionnel devait faire un état des lieux récapitulatif du parcours professionnel du salarié (C. trav. art. L 6315-1).

La loi Seniors a revu et renforcé le régime de l’entretien professionnel, notamment ses modalités d’organisation et son contenu, et l’a rebaptisé « entretien de parcours professionnel ».

Un entretien de parcours professionnel dans l’année suivant l’embauche, puis tous les 4 ans

Depuis le 26-10-2025, lors de son embauche, le salarié doit être informé qu'il bénéficie d'un entretien de parcours professionnel avec son employeur au cours de la première année suivant son embauche (Loi art. 3, I-D ; C. trav. art. L 6315-1, I modifié).

Le salarié restant employé dans la même entreprise doit bénéficier d'un entretien de parcours professionnel tous les 4 ans (et non plus tous les 2 ans). Cet entretien est consacré :

  • aux compétences du salarié et aux qualifications mobilisées dans son emploi actuel ainsi qu'à leur évolution possible au regard des transformations de l'entreprise ;
  • à sa situation et à son parcours professionnels, au regard des évolutions des métiers et des perspectives d'emploi dans l'entreprise ;
  • à ses besoins de formation, qu'ils soient liés à son activité professionnelle actuelle, à l'évolution de son emploi au regard des transformations de l'entreprise ou à un projet personnel ;
  • à ses souhaits d'évolution professionnelle. L'entretien peut ouvrir la voie à une reconversion interne ou externe, à un projet de transition professionnelle, à un bilan de compétences ou à une VAE ;
  • à l'activation par le salarié de son CPF, aux abondements financés par l’employeur sur son CPF et au CEP.

À noter. L'entretien de parcours professionnel est organisé par l'employeur et réalisé par un supérieur hiérarchique ou un représentant de la direction de l'entreprise. Il ne porte pas sur l'évaluation du travail du salarié. Il se déroule pendant le temps de travail.

Un entretien au retour de certains événements. L’entretien de parcours professionnel, qui donne lieu à la rédaction d'un document dont une copie est remise au salarié, doit toujours être proposé au salarié qui reprend son activité après un congé de maternité, un congé parental d'éducation, un congé de proche aidant, un congé d'adoption, un congé sabbatique, une période de mobilité volontaire sécurisée, une période d'activité à temps partiel dans le cadre d’un congé parental d’éducation, un arrêt longue maladie ou à l'issue d'un mandat syndical, si le salarié n'a bénéficié d'aucun entretien de parcours professionnel au cours des 12 mois précédant sa reprise d'activité.

Préparation de l’entretien de parcours professionnel. Dans les entreprises de moins de 300 salariés, pour la préparation de cet entretien, le salarié peut bénéficier d'un CEP. L’employeur peut bénéficier d'un conseil de proximité assuré par l'opérateur de compétences dont il relève et être accompagné par un organisme externe lorsqu'un accord de branche ou d'entreprise le prévoit.

Un entretien récapitulatif tous les 8 ans

Tous les 8 ans (et non plus tous les 6 ans), l'entretien de parcours professionnel doit faire un état des lieux récapitulatif du parcours professionnel du salarié. S'il s'agit du premier état des lieux après l'embauche, il peut être réalisé 7 ans après l'entretien de parcours professionnel réalisé dans l'année suivant l'embauche (C. trav. art. L 6315-1, II modifié). Cet état des lieux, qui doit conduire à la rédaction d'un document dont une copie est remise au salarié, permet de vérifier que le salarié a bénéficié au cours des 8 dernières années des entretiens de parcours professionnel prévus et d'apprécier s'il a :

  • suivi au moins une action de formation ;
  • acquis des éléments de certification par la formation ou par une VAE ;
  • et bénéficié d'une progression salariale ou professionnelle.

Abondement sanction du CPF. Dans les entreprises d'au moins 50 salariés, lorsque, au cours de ces 8 années, le salarié n'aura pas bénéficié des entretiens de parcours professionnel prévus et d'au moins une formation, autre que celle qui conditionne l’exercice d’une activité ou d’une fonction, l’employeur devra verser un abondement correctif de 3 000 € sur le CPF du salarié (C. trav. art. L 6315-1, II et L 6323-13 modifiés).

Des aménagements par accord collectif

Un accord collectif d'entreprise ou, à défaut, de branche peut définir un cadre, des objectifs et des critères collectifs d'abondement par l'employeur du CPF des salariés. Il peut désormais aussi prévoir d'autres modalités d'appréciation du parcours profes-sionnel du salarié ainsi qu'une périodicité des entretiens de parcours professionnel différente de celle prévue légalement, sans que celle-ci excède 4 ans (C. trav. art. L 6315-1, III modifié).

Les entreprises ou, à défaut, les branches ayant conclu un tel accord en application des dispositions antérieures à la présente loi doivent engager une négociation pour le réviser et le rendre conforme aux nouvelles dispositions. L'article L 6315-1 du Code du travail, dans sa rédaction résultant de la présente loi, s'appliquera à compter du 1-10-2026 aux accords collectifs d'entreprise ou de branche en cours de validité à cette date portant sur la périodicité des entretiens professionnels (Loi art. 3, II).

 

Négociation obligatoire tous les 4 ans sur l’emploi des salariés expérimentés

La loi 2025-989 du 24-10-2025 a créé une obligation d’ordre public pour les branches professionnelles et les entreprises et groupes d’entreprises d’au moins 300 salariés, dotés d’une ou plusieurs sections syndicales d'organisations représentatives, de négocier, au moins une fois tous les 4 ans, un accord sur l’emploi et le travail des salariés expérimentés, en considération de leur âge. L’application de cette obligation nécessite des décrets d’application à paraître (Loi art. 1er et 2 ; C. trav. art. L 2241-1, 5° bis nouveau et L 2242-2-1 nouveau).

 

Entretiens des salariés expérimentés

Un entretien après la visite médicale de mi-carrière. L'entretien de parcours professionnel des salariés ayant bénéficié de la visite médicale de mi-carrière (durant l’année de leurs 45 ans, C. trav. art. L 4624-2-2) doit être organisé dans un délai de 2 mois à compter de cette visite. L'employeur n’a pas accès aux données de santé du salarié, mais les mesures proposées, le cas échéant, au cours de la visite médicale de mi-carrière par le médecin du travail doivent être évoquées au cours de cet entretien de mi-carrière. Doivent également être abordés, s'il y a lieu, l'adaptation ou l'aménagement des missions et du poste de travail, la prévention des situations d'usure professionnelle, les besoins en formation et les éventuels souhaits de mobilité ou de reconversion professionnelle du salarié. À l'issue de l'entretien, un document écrit doit récapituler, sous forme de bilan, l'ensemble des éléments abordés (C. trav. art. L 6315-1 modifié).

À noter. Si le médecin du travail propose des mesures individuelles d'aménagement, d'adaptation ou de transformation du poste de travail ou des mesures d'aménagement du temps de travail justifiées par des considérations relatives notamment à l'âge ou à l'état de santé physique et mental du travailleur, lors des visites organisées après la visite médicale de mi-carrière, la mise en œuvre de ces mesures doit être abordée lors de l'entretien de parcours professionnel (Loi art. 3, I-B ; C. trav. art. L 4624-3 modifié).

Un entretien à l’approche des 60 ans du salarié. Lorsque le premier entretien de parcours professionnel a lieu au cours des 2 années précédant le 60e anniver-saire du salarié (à 58 ou 59 ans), doivent être abordées, en plus des sujets imposés, les conditions de maintien dans l'emploi et les possibilités d'aménagement de fin de carrière, notamment les possibilités de passage au temps partiel ou de retraite progressive (C. trav. art. L 6315-1 modifié).

 

Des informations dans la BDESE

Les informations contenues dans la base des données économiques, sociales et environnementales (BDESE) de l'entreprise mise à disposition du CSE par l’employeur doivent comporter également un bilan de la mise en œuvre des actions de formation entreprises à l'issue des entretiens de parcours professionnels ou des périodes de reconversion (Loi art. 3, I-A ; C. trav. art. L 2312-18 modifié).

 

Des aménagements pour les fins de carrière des salariés

Justification du refus d’une retraite progressive

L’employeur qui entend refuser la demande de retraite progressive du salarié doit justifier son refus par l'incompatibilité de la durée de travail demandée par le salarié avec l'activité économique de l'entreprise (C. trav. art. L 3121-60-1, L 3123-4-1, D 3121-36 et D 3123-1-1).

Depuis le 26-10-2025, cette justification doit rendre notamment compte des conséquences de la réduction de la durée de travail sollicitée par le salarié sur la continuité de l'activité de l'entreprise ou du service ainsi que, si elles impliquent un recrutement, des difficultés pour y procéder sur le poste concerné (Loi art. 5 ; C. trav. art. L 3121-60-1 modifié et L 3123-4-1 modifié).

Versement anticipé de l’indemnité de départ à la retraite en cas de passage à temps partiel ou à temps réduit

Le salarié qui quitte volontairement l'entreprise pour bénéficier d'une pension de retraite a droit à une indemnité de départ à la retraite (C. trav. art. L 1237-9, al. 1er).

Depuis le 26-10-2025, l'indemnité de départ à la retraite est attribuée lorsque le salarié fait valoir ses droits à une pension de retraite de droit propre (hors pension de réversion) au titre du régime de base auquel il est affilié pour l'emploi qu'il occupe dans l'entreprise. Cependant, un accord d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche peut prévoir la possibilité d'affecter l'indemnité de départ à la retraite au maintien total ou partiel de la rémunération du salarié en fin de carrière lorsque celui-ci, à sa demande et en accord avec son employeur, passe à temps partiel ou à temps réduit par rapport à la durée maximale légale ou conventionnelle de travail exprimée en jours. Si le montant de l'indemnité de départ à la retraite qui lui est due au moment où il fait valoir ses droits à retraite est supérieur au montant des sommes affectées à son maintien de rémunération, le reliquat d’indemnité doit lui être versé (Loi art. 6 ; C. trav. art. 1237-9 modifié). Les salariés bénéficiaires d'un tel accord d’aménagement de fin de carrière sont exclus du bénéfice de la retraite progressive (CSS art. L 161-22-1-5, II-3° nouveau).

À noter. Cette nouvelle disposition rend conformes à la loi certains accords collectifs déjà conclus prévoyant cette possibilité.

Mise à la retraite d’un salarié embauché après l’âge de 67 ans

Rappel. L’employeur peut mettre à la retraite un salarié, avec son accord, s’il est âgé de 67 ans à 69 ans. Chaque année, l'employeur doit interroger par écrit le salarié sur son intention de quitter volontairement l'entreprise pour bénéficier d'une pension de retraite. L’employeur peut mettre le salarié d’office à la retraite, sans son accord, s’il est âgé d’au moins 70 ans (C. trav. art. L 1237-5).

Désormais, les dispositions légales sur la mise à la retraite sont applicables au salarié ayant déjà atteint l'âge de la retraite à taux plein (67 ans) lors de son embauche, et y compris s’il est déjà retraité et se trouve en cumul emploi-retraite (Loi art. 7).

Depuis le 26-10-2025, l'employeur peut mettre le salarié à la retraite en appliquant la procédure légale de mise à la retraite, même si le salarié avait déjà atteint, lors de son embauche, l'âge du bénéfice automatique d’une pension de retraite à taux plein, soit 67 ans (Loi art. 7 ; C. trav. art. L 1237-5, al. 1 modifié). La mise à la retraite du salarié est désormais également applicable même s’il perçoit déjà une pension de retraite, en cas de cumul emploi-retraite : ainsi, avant la date à laquelle le salarié atteint l’âge de 67 ans, l'employeur doit interroger par écrit le salarié sur son intention de quitter volontairement l'entreprise pour bénéficier ou continuer de bénéficier d'une pension de retraite (C. trav. art. L 1237-5, al. 7 modifié).

 

CSE : suppression de la limite de 3 mandats successifs

Depuis le 26-10-2025, la limitation à 3 mandats successifs pour les membres de la délégation du personnel du comité social et économique (CSE) dans les entreprises d’au moins 50 salariés a été supprimée (Loi art. 8 ; C. trav. art. L 2314-33 modifié).

 

Création d’un contrat de valorisation de l’expérience pour les seniors au chômage

La loi a créé, à titre expérimental, le nouveau contrat de valorisation de l’expérience (CVE) à durée indéterminée, qui permet à l'employeur d’embaucher un chômeur âgé d'au moins 60 ans et de le mettre à la retraite dès qu'il pourra percevoir une pension à taux plein, tout en bénéficiant d’une exonération de la contribution patronale spécifique de 30 % sur l’indemnité de mise à la retraite versée au salarié (Loi art. 4).

Conditions de recrutement sous CVE

Durant 5 ans, depuis le 26-10-2025 et jusqu’au 24-10-2030, un CVE peut être conclu entre toute entreprise et toute personne qui, au moment de son embauche, remplit l'ensemble des conditions suivantes :

  • être âgée d'au moins 60 ans, ou d'au moins 57 ans si une convention ou un accord de branche étendu le prévoit ;
  • être inscrite sur la liste des demandeurs d'emploi auprès de France travail ;
  • ne pas pouvoir bénéficier d'une pension de retraite de base de droit propre (hors pension de réversion) à taux plein d'un régime légalement obligatoire, sauf exceptions prévues par la loi ;
  • ne pas avoir été employée dans cette entreprise ou, le cas échéant, dans une entreprise appartenant au même groupe, au cours des 6 mois précédents.

Un contrat de travail à durée indéterminée. Le CVE est soumis aux dispositions régissant les contrats de travail à durée indéterminée (CDI), sous réserve des dispositions liées à la mise à la retraite du salarié (voir ci-après). Les missions devant être exercées dans le cadre de ce contrat peuvent être précisées par convention ou accord de branche étendu.

Obligation du senior recruté. Lors de la signature du CVE, le salarié doit remettre à l'employeur un document, transmis par la Caisse nationale d’assurance vieillesse (Cnav), mentionnant la date prévisionnelle à laquelle il remplira, le cas échéant, les conditions pour bénéficier d'une retraite à taux plein. En cas de réévaluation ultérieure de cette date, le salarié devra en informer son employeur et lui transmettre une version mise à jour de ce même document.

Mise à la retraite par l’employeur

L'employeur peut mettre à la retraite le salarié senior lorsqu’il a atteint l'âge de départ à taux plein automatique (67 ans) ou l’âge légal de départ à la retraite s'il justifie de la durée d'assurance requise.

La mise à la retraite du senior impose de respecter les dispositions légales relatives à la mise à la retraite, à savoir un délai de préavis (C. trav. art. L 1237-6) et le versement au salarié d’une indemnité de mise à la retraite (C. trav. art. L 1237-7).

Si ces conditions de la mise à la retraite (âge du salarié pour bénéficier d’une retraite à taux plein, respect d’un préavis et versement d’une indemnité de mise à la retraite) et les conditions de mise à la retraite de droit commun prévues à l'article L 1237-5 du Code du travail ne sont pas respectées, la rupture du contrat de travail par l'employeur constitue un licenciement (sans cause réelle et sérieuse, voire même discriminatoire et donc nul, car fondé sur l’âge du salarié).

Régime social de l’indemnité de mise à la retraite. L'employeur est exonéré, jusqu’au 31-12-2028, de la contribution patronale spécifique de 30 % due sur la part de l’indemnité de mise à la retraite versée au salarié qui est exclue de l'assiette des cotisations de sécurité sociale (CSS art. L 137-12).

 

Bonus-malus : modification de la liste des fins de contrat retenues

Depuis le 26-10-2025, l'article L 5422-12, 1° du Code du travail exclut du calcul du taux de séparation des entreprises pour l’application du bonus-malus les licenciements pour faute grave ou faute lourde et les licenciements pour inaptitude d'origine non professionnelle visés à l'article L 1226-2-1 du Code du travail.

 

Loi 2025-989 du 24-10-2025 art. 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8 et 10, JO du 25

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